T.

The best remedy against delinquency by Mélanie Klein

Here is the translation into 1930s academic English:”Love is not absent in the criminal, but hidden so deeply that nothing but analysis can bring it to light; as the persecutory and hated object was initially, for the infant, the recipient of all its love and libido, the criminal finds himself in the position of hating and persecuting his own beloved object; this is an untenable situation: all memory, all consciousness of love for any object must therefore be suppressed. If there are only enemies in the world, as the criminal feels, his hatred and his urge to destroy are largely justified in his view; this attitude alleviates some of his unconscious feelings of guilt. Hatred is often used as the most effective mask for love; but it must not be forgotten that for a subject constantly exposed to persecution, the sole concern is the security of one’s own self. In summary: in cases where the superego‘s main function is to provoke anxiety, it calls upon violent, non-ethical, and non-social defense mechanisms in the ego; but as soon as the child’s sadism decreases and the nature and function of his superego transform in such a way that it appeals to less overwhelming anxiety and stronger guilt, the defense mechanisms that underlie an ethical and moral attitude are activated, and the child begins to regard his objects and open up to social feelings. We know how difficult it is to approach the adult criminal and to cure him, although we have no reason to be too pessimistic in this area; experience shows that it is possible to make contact with criminal children as well as psychotic children, and to cure them. It thus seems that the best remedy against delinquency would be to analyze children who show signs of abnormality in the sense of psychosis or criminality.

L’amour n’est pas absent chez le criminel, il est caché et si bien enseveli que rien ne peut l’amener au jour si ce n’est l’analyse; comme l’objet persécuteur et haï était à l’origine, pour le petit bébé, l’objet de tout son amour et de sa libido, le criminel se trouve dans la situation de haïr et de persécuter son propre objet d’amour; c’est là une situation insupportable: tout souvenir, toute conscience d’un amour pour quelque objet que ce soit, doivent donc être supprimés. S’il n’existe au monde que des ennemis, et c’est cela que le criminel éprouve, sa haine et son envie de détruire sont, à son avis, en grande partie justifiées; cette attitude soulage certains de ses sentiments inconscients de culpabilité. La haine est souvent utilisée comme le masque le plus efficace de l’amour; mais il ne faut pas oublier que pour un sujet constamment exposé à la persécution, la seule préoccupation est la sécurité de son propre moi. Résumons-nous: dans les cas où le surmoi a pour fonction principale d’éveiller l’angoisse, il fait appel, dans le moi, à de violents mécanismes de défense, non éthiques et non sociaux par nature; mais dès que le sadisme de l’enfant diminue et que le caractère et la fonction de son surmoi se transforment de telle sorte que celui- ci fait appel à une angoisse moins écrasante et à une culpabilité plus forte, les mécanismes de défense qui constituent la base d’une attitude éthique et morale sont mis en marche, et l’enfant commence à avoir des égards pour ses objets et à s’ouvrir aux sentiments sociaux. Nous savons comme il est difficile d’aborder le criminel adulte et de le guérir, encore que nous n’ayons aucune raison d’être trop pessimistes dans ce domaine; l’expérience montre qu’il est possible d’entrer en contact avec les enfants criminels comme avec les enfants psychotiques, et de les guérir. Il semble donc que le meilleur remède contre la délinquance serait d’analyser les enfants qui donnent des signes d’anormalité dans le sens de la psychose ou dans celui de la criminalité. 

Mélanie Klein, Essais de psychanalyse 1921-1945, Payot, Paris, 1993, p. 310

T.

Truth of the criminal : anthropological aspect by Jacques Lacan

No one knows it better than the psychoanalyst who, in the intelligence of what his subject confides to him as in the manoeuvring of behaviour conditioned by technique, acts by a revelation whose truth conditions its effectiveness. Is the search for truth not also what criminology is all about in the judicial system, and also what unifies its two facets: the truth of the crime in its police aspect, and the truth of the criminal in his anthropological aspect? What contribution to this research can the technique that guides our dialogue with the subject and the concepts that our experience has defined in psychology make? This is the problem that will be our issue today: not so much to state our contribution to the study of delinquency – set out in the other reports – as to set its legitimate limits, and certainly not to propagate the letter of our doctrine without concern for method, but to rethink it, as we are required to do ceaselessly, in function of a new object.


Nul ne le sait mieux que le psychanalyste qui, dans l’intelligence de ce que lui confie son sujet comme dans la manœuvre des comportements conditionnés par la technique, agit par une révélation dont la vérité conditionne l’efficace. La recherche de la vérité n’est-elle pas d’autre part ce qui fait l’objet de la criminologie dans l’ordre des choses judiciaires, et aussi ce qui unifie ses deux faces: vérité du crime dans sa face policière, vérité du criminel dans sa face anthropologique ? De quel apport à cette recherche peuvent être la technique qui guide notre dialogue avec le sujet et les notions que notre expérience a définies en psychologie, c’est le problème qui fera aujourd’hui notre propos: moins pour dire notre contribution à l’étude de la délinquance — exposée dans les autres rapports — que pour en poser les limites légitimes, et certes pas pour propager la lettre de notre doctrine sans souci de méthode, mais pour la repenser, comme il nous est commandé de le faire sans cesse, en fonction d’un nouvel objet.

Jacques Lacan, “Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie” in Écrits I, Paris, Seuil Points, 1999, pp. 124-125

T.

To understand is to condemn by Jacques Lacan

Such is the crime of the Papin sisters, by the emotion it arouses and which exceeds its horror, by its value as an atrocious image, but symbolic down to its most hideous details: the most worn metaphors of hatred: “I would tear out her eyes” receive their literal execution. The popular conscience reveals the meaning it gives to this hatred by applying the maximum penalty here, as the ancient law did to the crime of slavery. Perhaps, as we shall see, it is mistaken about the real meaning of the act. But for the benefit of those who are frightened by the psychological path on which we are embarking in the study of responsibility, let us observe that the adage “to understand is to forgive” is submitted to the limits of each human community and that, outside these limits, to understand (or to believe we understand) is to condemn. The intellectual content of delirium appears to us, as we have said, as a superstructure that both justifies and negates the criminal impulse. We therefore conceive it as submitted to the variations of this drive, to the fall which results, for example, from its satisfaction in the princeps case of the particular type of paranoia we have described (the Aimée case), the delusion vanishes with the realisation of the aims of the act. We should not be surprised that this was also the case during the first months following the sisters’ crime. The correlative defects of the classic descriptions and explanations have for a long time led to a disregard for the existence, however crucial, of such variations, by affirming the stability of paranoid delusions, whereas there is only constancy of structure. This conception leads the experts to erroneous conclusions, and explains their embarrassment in the presence of numerous paranoid crimes, where their feeling of reality emerges in spite of their doctrines, but only engenders uncertainty in them.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99

Tel est ce crime des sœurs Papin, par l’émotion qu’il soulève et qui dépasse son horreur, par sa valeur d’image atroce, mais symbolique jusqu’en ses plus hideux détails: les métaphores les plus usées de la haine : « Je lui arracherais les yeux » reçoivent leur exécution littérale. La conscience populaire révèle le sens qu’elle donne à cette haine en appliquant ici le maximum de la peine, comme la loi antique au crime des esclaves. Peut-être, nous le verrons, se trompe-t-elle ainsi sur le sens réel de l’acte. Mais observons, à l’usage de ceux qu’effraie la voie psychologique où nous engageons l’étude de la responsabilité, que l’adage « comprendre, c’est pardonner » est soumis aux limites de chaque communauté humaine et que, hors de ces limites, comprendre (ou croire comprendre), c’est condamner. Le contenu intellectuel du délire nous apparaît, nous l’avons dit, comme une superstructure à la fois justificative et négatrice de la pulsion criminelle. Nous le concevons donc comme soumis aux variations de cette pulsion, à la chute qui résulte par exemple de son assouvissement dans le cas princeps du type particulier de paranoïa que nous avons décrit (le cas Aimée), le délire s’évanouit avec la réalisation des buts de l’acte. Nous ne nous étonnerons pas qu’il en ait été de même pendant les premiers mois qui ont suivi le crime des sœurs. Les défauts corrélatifs des descriptions et des explications classiques, ont longtemps fait méconnaître l’existence, pourtant capitale, de telles variations, en affirmant la stabilité des délires paranoïaques, alors qu’il n’y a que constance de structure cette conception conduit les experts à des conclusions erronées, et explique leur embarras en présence de nombreux crimes paranoïaques, où leur sentiment de la réalité se fait jour malgré leurs doctrines, mais n’engendre chez eux que l’incertitude.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99

C.

C. Papin : “I was to be my sister’s husband” by Jacques Lacan

You need to have listened attentively to the strange declarations of such patients to know the madness that their shackled consciousness can construct around the enigma of the phallus and female castration. We can then recognize in the timid confessions of the so-called normal subject the beliefs he is keeping silent about, and which he thinks he is keeping silent about because he considers them puerile, whereas he is keeping silent because, without knowing it, he still adheres to them.
Christine’s comment: “I do believe that in another life I was to be my sister’s husband”, is reproduced in our patients by many fantastic themes that you just have to listen to get. What a long road of torture she must have traveled before the desperate experience of crime tore her from her other self, and after her first attack of hallucinatory delirium, in which she believes she sees her sister dead, dead no doubt from that blow, she cries out before the judge who confronts them, the words of passion unblinking : “Yes, say yes”.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, p. 104

Il faut avoir prêté une oreille attentive aux étranges déclaration de tels malades pour savoir les folies que leur conscience enchaînée peut échafauder sur l’énigme du phallus et de la castration féminine. On sait alors reconnaître dans les aveux timides du sujet dit normal les croyances qu’il tait, et qu’il croit taire parce qu’il les juge puériles, alors qu’il se tait parce que sans le savoir il y adhère encore.
Le propos de Christine: “Je crois bien que dans une autre vie je devais être le mari de ma sœur”, est reproduit chez nos malades par maints thèmes fantastiques qu’il suffit d’écouter pour obtenir. Quel long chemin de torture elle a dû parcourir avant que l’expérience désespérée du crime la déchire de son autre soi-même, et qu’elle puisse, après sa première crise de délire hallucinatoire, où elle croit voir sa sœur morte, morte sans doute de ce coup, crier devant le juge qui les confronte, les mots de la passion dessillée : “Oui, dis oui”.

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, p. 104

Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, p. 104

C.

Criminal tendencies are at work in all children by Melanie Klein

Psychoanalysis has shown that the Oedipus complex plays the most decisive role in the general development of the personality, both in people who later become normal and in those affected by neurosis. Psychoanalytic research has consistently shown that the entire formation of character is also linked to Oedipal development, and that all the nuances of character problems, from the slightly neurotic to the criminal, depend on it. The study of criminality is still in its infancy, but the developments it offers are full of promise. The purpose of this article is to show that criminal tendencies are at work in all children and to put forward some hypotheses on the following problem: what are the factors by virtue of which these tendencies do or do not impose themselves on the personality?

I must now return to the point from which I started. When the Oedipus complex makes its appearance, which, according to the results of my analyses, occurs at the end of the first or beginning of the second year, the primitive stages I spoke of – the sadistic-oral stage and the sadistic-anal stage – are fully at work. They are intertwined with the Oedipal tendencies and therefore target the objects around which the Oedipus complex develops, i.e. the parents. The little boy, who hates his father with whom he competes for his mother‘s love, devotes his hatred, aggression and fantasies born of sadistic-oral and sadistic-anal fixations to him. Fantasies in which the child breaks into the bedroom and kills the father are not lacking in any analysis of a little boy, even a normal one.

Melanie Klein, “Criminal tendancies in normal children” in Love, Guilt and Reparation and Other Works 1921-1945, Hogarth Press, London, 1975

La psychanalyse a montré que le complexe d’Œdipe joue le plus décisif des rôles dans le développement général de la personnalité, chez les gens qui plus tard seront normaux comme chez ceux qu’atteindra la névrose. Les recherches psychanalytiques n’ont cessé de démontrer que la formation tout entière du caractère relève elle aussi du développement œdipien, que toutes les nuances des problèmes caractériels, depuis la déformation légèrement névrotique jusqu’à la déformation criminelle, en dépendent. L’étude de la criminalité en est encore à ses premiers pas, mais les développements qu’elle nous laisse espérer sont pleins de promesses. Le propos de cet article est de montrer que des tendances criminelles sont à l’œuvre chez tous les enfants et d’énoncer quelques hypothèses sur le problème suivant : quels sont les facteurs en vertu desquels ces tendances s’imposent ou ne s’imposent pas dans la personnalité.
Il me faut retourner maintenant au point d’où je suis partie. Lorsque le complexe d’Œdipe fait son apparition, ce qui, selon les résultats de mes analyses, survient à la fin de la première ou au début de la seconde année, les stades primitifs dont j’ai parlé – le stade sadique-oral et le stade sadique-anal sont pleinement à l’œuvre. Ils s’intriquent aux tendances oedipiennes et visent donc les objets autour desquels le complexe d’Oedipe se développe, c’est-à-dire les parents. Le petit garçon, qui déteste son père avec lequel il rivalise pour l’amour de sa mère, lui voue la haine, l’agressivité et les fantasmes nés des fixations sadique-orales et sadique- anales. Les fantasmes où l’enfant s’introduit dans la chambre à coucher et tue le père ne font défaut dans aucune analyse de petit garçon, même si celui-ci est normal.

Melanie Klein, “Les tendances criminelles chez les enfants normaux” in Essais de psychanalyse (1921-1945), Trad. Margueritte Derrida, Editions Payot, Paris, 1968 , p. 212

Melanie Klein, Essais de psychanalyse (1921-1945), Trad. Margueritte Derrida, Editions Payot, 1968, Paris, p. 212

D.

Distinction envy jealousy greed by Melanie Klein

A distinction should be drawn between envy, jealousy, and greed. Envy is the angry feeling that another person possesses and enjoys something desirable—the envious impulse being to take it away or to spoil it. Moreover, envy implies the subject’s relation to one person only and goes back to the earliest exclusive relation with the mother. Jealousy is based on envy, but involves a relation to at least two people; it is mainly concerned with love that the subject feels is his due and has been taken away, or is in danger of being taken away, from him by his rival. In the everyday conception of jealousy, a man or a woman feels deprived of the loved person by somebody else.

Greed is an impetuous and insatiable craving, exceeding what the subject needs and what the object is able and willing to give. At the unconscious level, greed aims primarily at completely scooping out, sucking dry, and devouring the breast: that is to say, its aim is destructive introjection; whereas envy not only seeks to rob in this way, but also to put badness, primarily bad excrements and bad parts of the self, into the mother, and first of all into her breast, in order to spoil and destroy her. In the deepest sense this means destroying her creativeness. This process, which derives from urethral- and anal-sadistic impulses, I have elsewhere defined as a destructive aspect of projective identification starting from the beginning of life.

One essential difference between greed and envy, although no rigid dividing line can be drawn since they are so closely associated, would accordingly be that greed is mainly bound up with introjection and envy with projection.

According to the Shorter Oxford Dictionary, jealousy means that somebody else has taken, or is given, ‘the good’ which by right belongs to the individual. In this context I would interpret ‘the good’ basically as the good breast, the mother, a loved person, whom somebody else has taken away.

According to Crabb’s English Synonyms, ‘… Jealousy fears to lose what it has; envy is pained at seeing another have that which it wants for itself.… The envious man sickens at the sight of enjoyment. He is easy only in the misery of others. All endeavours therefore to satisfy an envious man are fruitless.’ Jealousy, according to Crabb, is ‘a noble or an ignoble passion according to the object. In the former case it is emulation sharpened by fear. In the latter case it is greediness stimulated by fear. Envy is always a base passion, drawing the worst passions in its train.’ The general attitude to jealousy differs from that to envy.

In fact, in some countries (particularly in France) murder prompted by jealousy carries a less severe sentence. The reason for this distinction is to be found in a universal feeling that the murder of a rival may imply love for the unfaithful person. This means, in the terms discussed above, that love for ‘the good’ exists and that the loved object is not damaged and spoilt as it would be by envy.

Melanie Klein, Envy and Gratitude and Other Works 1946–1963, M. Masud R. Khan, 1975, London, p. 79

Il convient d’établir une distinction entre l’envie, la jalousie et l’avidité. L’envie est le sentiment de colère qu’éprouve un sujet quand il craint qu’un autre ne quelque chose de désirable et n’en jouisse; l’impulsion envieuse tend à s’emparer de cet objet ou à l’endommager. La jalousie se fonde sur l’envie mais, alors que l’envie implique une relation du sujet à une seule personne et remonte à la toute première relation exclusive avec la mère, la jalousie comporte une relation avec deux personnes au moins et concerne principalement l’amour que le sujet sent comme lui étant dû, amour qui lui a été ravi pourrait l’être par un rival. Selon l’idée commune, la jalousie est le sentiment qu’éprouve l’homme ou la femme d’être privé de la personne aimée par quelqu’un d’autre.
L’avidité est la marque d’un désir impérieux et insatiable, qui va à la fois au-delà de ce dont le sujet a besoin et au-delà de ce que l’objet peut ou veut lui accorder. Au niveau de l’inconscient, l’avidité cherche essentiellement à vider, à épuiser ou à dévorer le sein maternel; c’est dire que son but est une introjection destructive. L’envie, elle, ne vise pas seulement à la déprédation du sein maternel, elle tend en outre à introduire dans la mère, avant tout dans son sein, tout ce qui est mauvais, et d’abord les mauvais excréments et les mauvaises parties du soi, afin de la détériorer et de la détruire. Ce qui, au sens le plus profond, signifie détruire sa créativité.
Un tel processus, qui dérive de pulsions sadiques- urétrales et sadiques-anales, je l’ai défini ailleurs comme étant un aspect destructif de l’identification projective qui se manifeste dès le commencement de la vie. Du fait. de leurs rapports étroits, l’on ne peut séparer rigoureusement l’avidité de l’envie, mais une différence essentielle s’impose pour autant que l’avidité se trouve surtout liée à l’introjection, l’envie à la projection. Selon le Shorter Oxford Dictionary, la jalousie est éveillée chez un sujet quand quelqu’un d’autre lui a ôté ou a reçu le bien lui appartenant de droit. Dans ce contexte, je définirais le « bien » comme étant le bon sein, la mère, l’être aimé, dont quelqu’un d’autre s’est emparé. Selon les English Synonyms de Crabb : ” la jalousie est la crainte de perdre ce qu’on possède; l’envie est la souffrance de voir quelqu’un d’autre posséder ce qu’on désire pour soi- même. […] Le plaisir d’autrui tourmente l’envieux qui ne se complait que dans la détresse des autres. Ainsi tout effort pour satisfaire un être envieux demeure stérile.» Toujours selon Crabb, la jalousie est une passion noble M ou ignoble selon l’objet. Dans le premier cas, elle se tra- duit par une émulation aiguisée par la crainte, dans le second, par une avidité stimulée par la crainte. L’envie est toujours une passion vile, entraînant les pires passions dans son sillage.
L’attitude générale envers la jalousie diffère de celle que l’on témoigne à l’égard de l’envie. Dans certains pays (notamment en France), un crime passionnel dont le mobile est la jalousie bénéficie de circonstances atténuantes, cela en raison du sentiment, universellement répandu, selon lequel le meurtre d’un rival implique l’amour envers l’infidèle. Ce qui signifie, dans notre terminologie, que l’amour pour le bien existe et que l’objet aimé n’est pas endommagé ou détérioré comme il le serait par l’envie.

Melanie Klein, Envie et gratitude (1957), Gallimard, Paris, 1968, p. 17 – 19

Melanie Klein, Envie et Gratitude (1957), Gallimard, Paris, 1968, p. 17 – 19

T.

The recite-murder machinery by Michel Foucault

But if he [Pierre Rivière] writes thus long after having killed, he underlines well that his memoire was already all written in advance in his head; he had examined the majority of the words which are put there; from there, although the murder was accomplished, the malicious and uselessly murderous words which are still there to the address of his victims. Memoire deposited in advance in the memory.

The successive positions of the text and the gesture are basically only the phases of activity and production of a machinery that is that of the recite-murder*.


Mais s’il [Pierre Rivière] écrit ainsi longtemps après avoir tué, il souligne bien que son mémoire était déjà tout rédigé par avance dans sa tête; il avait examiné la plupart des paroles qui s’y mettent ; de là, bien que le meurtre fut accompli, les paroles méchantes et inutilement meurtrières qui s’y trouvent encore à l’adresse de ses victimes. Mémoire déposé par avance dans la mémoire.

Les positions successives du texte et du geste ne sont au fond que les phases d’activité et de production d’une machinerie qui est celle du meurtre-récit.

Michel Foucault, “Notes” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 324

*Translation Note : “Meurtre-récit” may be although translated in “narrative-murder”, or “murder-narrative”. But in french, “meurtre-récit” sounds as a not natural constrcution. We decided to keep the word récit in its english form, with the not natural feeling it gives to the reader.

M.

Murder is the intersection of history and crime by Michel Foucault

Murder is the intersection of history and crime. It is murder that makes the immortality of warriors (they kill, make kill and accept themselves the risk of dying); it is murder that ensures the dark fame of criminals (they have, by shedding blood, accepted the risk of the scaffold). Murder establishes the equivocation of the legitimate and the illegal.

p. 328

It is against the background of this obscure battle that Rivière inscribed his narrative-murder; and it is by this that he made it communicate with the history of sacrificial murders and or rather that he carried out with his own hands a historical murder.

p. 329

Le meurtre est le point de croisement de l’histoire et du crime. C’est le meurtre qui fait l’immortalité des guerriers (ils tuent, font tuer et acceptent eux mêmes le risque de mourir); c’est le meurtre qui assure la sombre renommée des criminels (ils ont, en versant le sang, accepté le risque de l’échafaud). L’assassinat établit l’équivoque du légitime et de l’illégal.

p.328

C’est sur fond de cette bataille obscure que Rivière a inscrit son récit-meurtre; et c’est par là qu’il le faisait communiquer avec l’histoire des meurtres sacrificiels et ou plutôt qu’il effectuait de ses mains un meurtre historique.

p.329

Michel Foucault, “Notes” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 328 – 329

P.

Pierre Rivière is the one who remembers mercilessly everything by Michel Foucault

Pierre Rivière was the subject of this memory in a double sense: he is the one who remembers, who remembers mercilessly everything; and he is the one whose memory calls up the crime, horrible and glorious, beside so many other crimes.

Pierre Rivière fut le sujet de cette mémoire en un double sens : il est celui qui se souvient, qui se souvient impitoyablement de tout; et il est celui dont la mémoire appelle le crime, horrible et glorieux, à côté de tant d’autres crimes.

Michel Foucault, “Notes” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 331

R.

Riviere thought he would write before killing by Peter and Favet

He [Pierre Rivière] had first thought write a memorandum in which the act and its motives would be recorded, committe the triple murder, post his writing and then kill himself.

Il [Pierre Rivière] avait d’abord pensé rédiger un mémoire où seraient inscrits l’acte et ses motifs, commettre le triple meurtre, poster son écrit puis se tuer.

Jean-Pierre Peter, Jeanne Favet, présenté par Michel Foucault, “Notes” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 316

T.

The return to reason is often the result of the execution of the project by Docteur Vastel

Moreover, this fact is far from being the first; all the authors who have dealt with madness report similar cases, and if I were not afraid of giving too much scope to this consultation, I could cite several examples. “It often happens, says M. Orfila, in his Treatise on Forensic Medicine, “that fits end suddenly, after a strong moral concussion, and one sees calm restored when the patients have succeeded in carrying out the projects to which they attach great importance.” Hoffbauer, one of the most famous forensic physicians of Germany, states that “the return to reason is often the result of the execution of the project.” I insist on this fact, because from this moment, Riviere, without being yet perfectly reasonable, is nevertheless a quite different man.

D’ailleurs, ce fait est loin d’être le premier; tous les auteurs qui ont traité de la folie en rapportent d’analogues, et si je ne craignais de donner trop d’étendue à cette consultation, j’en pourrais citer plusieurs exemples. « Il arrive souvent, dit M. Orfila, dans son Traité de Médecine légale, que des accès se terminent subitement, après une forte commotion morale, et l’on voit le calme renaître lorsque les malades sont parvenus à mettre à exécution les projets auxquels ils attachent une grande importance.» Hoffbauer, un des plus célèbres médecins légistes de l’Allemagne, affirme que « le retour à la raison est souvent la suite de l’exécution du projet. » J’insiste sur ce fait, parce qu’à partir de ce moment, Rivière, sans être encore parfaitement raisonnable, est néanmoins un homme tout différent.

Docteur Vastel, présenté par Michel Foucault, “Consultations Médico-Légales” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 198

R.

Rivière was tormented by an immoderate desire for glory by Président des Assises

We see that Rivière was tormented by an immoderate desire for glory and illustration, and that a false reasonings serie based on examples taken from history led him to think he would do a meritorious action and immortalize himself by sacrificing his life to ensure his father‘s happiness.

On y voit que Rivière était tourmenté par un désir immodéré de gloire et d’illustration, et qu’une suite de faux raisonnements appuyés sur des exemples tirés de l’histoire l’ont conduit à penser qu’il ferait une action méritoire et s’immortaliserait en sacrifiant sa vie pour assurer le bonheur de son père.

Président des Assises à la Direction des affaires criminelles, présenté par Michel Foucault, “Le Dossier” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 224

R.

Riviere had a great aversion to women by Président des Assises

It has remained constant that Riviere had a great aversion to women and to all female animals, he especially dreaded the sight of his female relatives, and when asked the cause of this, he replied that in reading the Holy Scriptures he had conceived the greatest horror for incest and bestiality, and that he feared that there was an invisible fluid which would bring him in spite of himself into contact with women or female animals, when he was in their presence.

Il est demeuré constant que Rivière avait une grande aversion pour les femmes et pour tous les animaux femelles, il redoutait surtout la vue de ses parentes, et lorsqu’on lui en a demandé la cause, il a répondu qu’en lisant l’Écriture sainte il avait conçu la plus grande horreur pour l’inceste et la bestialité, et qu’il craignait qu’il n’existât un fluide invisible qui le mît malgré lui en rapport avec les femmes ou les animaux femelles, lorsqu’il se trouvait en leur présence.

Président des Assises à la Direction des affaires criminelles, présenté par Michel Foucault, “Le Dossier” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 223 – 224

H.

Human race bent under the yoke of women by Docteur Vastel

He* pictured the human race bent under the yoke of women, submitted to their shameful law, enslaved to their whims. He thought that it would be noble and glorious to free It from this tutelage, that it would only require a generous example; that in all times and on the occasion of great circumstances, there had been men who had devoted themselves and whose names had passed to posterity.

Il* se figura le genre humain courbé sous le joug des femmes, subissant leur loi honteuse, asservi à leurs caprices. Il pensa qu’il serait noble et glorieux de le délivrer de cette tutelle, qu’il ne faudrait qu’un exemple généreux; que dans tous les temps et à l’occasion des grandes circonstances, il s’était trouvé des hommes qui s’étaient dévoués et dont les noms étaient passés à la postérité.

*Pierre Rivière

Docteur Vastel**, présenté par Michel Foucault, “Consultations Médico-Légales” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 195

**Dr. Vastel was one of the forensic doctors who examined Pierre Rivière during the legal proceedings.

A.

A song to denigrate my father by Pierre Rivière

He said that he was going to say a song, well, said François Senecal, tell us two words, the carpenter began and said a song which was devoted to denigrate my father and to laugh at his duplicity. The end of the first verse was: that everything enters and nothing leaves; in the second verse it was said: that Lise has end of force to have always let enter by the same door at the end of nine months it was necessary that somebody leaves. My father said then: let us return we are rather in a position to cry than to sing.

Il dit qu’il allait dire une chanson, eh bien, dit François Senecal, dites-nous en donc deux mots, le menuisier commença et dit une chanson qui s’adonnait à niarguer mon père et a rire de sa duplicité. La fin du premier couplet était : que tout entre et que rien ne sorte; dans le second couplet il était dit: que Lise a fin de force d’avoir toujours laissé entrer par la même porte au bout de neuf mois il fallait bien que quelqu’un sorte. Mon père dit alors : rentrons nous sommes plutôt dans une position de pleurer que de chanter.

Pierre Rivière, présenté par Michel Foucault, “Le Mémoire” in Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… – un cas de parricide au XIXème siècle, Folio Histoire, Paris, 2019, p. 152

P.

Pride must pass through shame by Jean Genet

May you will be troubled because it is a brief, very brief, invisible gesture (but it’s the act’s marrow) that makes the thief despicable: just the time to spy and steal. Alas, this is exactly the time needed to become a thief, but cross this shame, after having detected it, shown it, made it visible. Pride must know how to pass through shame to reach its glory.

Peut-être serez-vous gêné parce que c’est un geste bref, très bref, invisible surtout (mais il est la moelle de l’acte) qui fait le voleur méprisable : juste le temps qu’il épie et dérobe. C’est hélas exactement le temps qu’il faut pour être voleur, mais franchissez cette honte, après l’avoir décelée, montrée, rendue visible. Il faut que l’orgueil sache passer par la honte pour atteindre à sa gloire.

Jean GenetLe miracle de la rose, Gallimard, Folio, Paris, 1946, p.287

S.

Shame breeds to crime by Georges Bernanos

Ok, I understand very well the mistake of the Generals of the Great tumble! They believed France was perfectly able to do the tumble too. And, then, the degenerate France of the Armistice believed it: France spat in its hands and said: “Let’s go! Long live the Armistice! Long live Pétain!” under the two million prisoners’ gaze, more or less impatient to go and stroke “the sweety” and get back to work… What to expect ? All must be paid. It is true : crime breeds shame. But it also happens, it more often happens than we think, that shame breeds crime.

Ok je comprends très bien l’erreur des Généraux de la Grande Culbute ! Ils ont cru que la France était parfaitement capable de faire la culbute avec eux. Et la France dégénérée de l’Armistice l’a cru aussi : elle a craché dans ses mains et dit : « Allons-y ! Vive l’Armistice ! vive Pétain !» sous le regard des deux millions de prisonniers plus ou moins impatients d’aller caresser « la petite » et de reprendre leur boulot… Que voulez-vous ? Tout se paie. C’est vrai que le crime engendre la honte. Mais il arrive aussi, il arrive plus souvent qu’on croit, que la honte engendre le crime.

Georges Bernanos, Essais et écrits de combat II (1939 – 1948), Gallimard, Nrf, Paris, 1995, p. 1224

E.

Embarrasment : The most common reason victims give for not calling the police by Felson, Messner, Hoskin and Deane

As indicated above, the literature places much greater emphasis on the costs for reporting assaults to the police than on the incentives. It suggests at least five cost factors that are likely to inhibit assault victims from calling the police. First, victims may be concerned about embarrassment and status. Thus, the most common reason victims give for not calling the police, according to analyses of the NCVS, is that the assault was a ‘private matter.’ Victims are sometimes embarrassed about their involvement in violent incidents even when they are the victims. They may believe that their association with a violent partner or family member will stigmatize them. In some social circles, victims will appear cowardly if they report an assault to the police rather than handle the conflict themselves. Others may label them a “snitch” or “rat”-pejorative terms used to describe people who rely on legal authorities to address their grievances.

Comme indiqué plus haut, la littérature met beaucoup plus l’accent sur les coûts liés au signalement des agressions à la police que sur les incitations. Elle suggère au moins cinq facteurs de coût susceptibles d’empêcher les victimes d’agressions d’appeler la police. Premièrement, les victimes peuvent s’inquiéter de leur gêne et de leur statut. Ainsi, la raison la plus fréquente que les victimes donnent pour ne pas appeler la police, selon les analyses de l’ENVC, est que l’agression était une “affaire privée”. Les victimes sont parfois embarrassées par leur implication dans des incidents violents, même lorsqu’elles sont les victimes. Elles peuvent croire que leur association avec un partenaire violent ou un membre de leur famille les stigmatisera. Dans certains milieux sociaux, les victimes auront l’air lâche si elles signalent une agression à la police plutôt que de gérer elles-mêmes le conflit. D’autres peuvent les qualifier de “mouchard” ou de “rat” – des termes péjoratifs utilisés pour décrire les personnes qui comptent sur les autorités légales pour traiter leurs griefs.

FELSON R., MESSNER S., HOSKIN A., DEANE G., “Reasons for reporting and not reporting domestic violence to the police” in Criminology Volume 40 Number 3, 2002, p. 621

R.

Radicalism means “no” to the language by Hélène L’Heuillet

It has always been said, since Plato, that violence arises in the language’s refusal, but violence works also against language. Violence is a power which reduces the language to impotence. How is it possible on the part of speaking beings, “parlêtre”? It means these speaking beings testify of their hatred of language, their refusal to pay their debt to the language that makes them be, and this to death, their own or collective. There is a “no” in this radicalism, but a “no” to the language. This relation to language can be called nihilist insofar as it is, in the strict sense, a disavowal of language. And therein lies, so to speak, the root of radicalism.

On dit toujours, depuis Platon, que la violence surgit dans le refus du langage, mais la violence est aussi active contre le langage. Elle est une puissance de réduction du langage à l’impuissance. Comment cela est-il possible de la part d’êtres parlants, de « parlêtres » ? C’est qu’il s’agit de parlêtres qui témoignent de leur haine du langage, de leur refus de payer leur dette au langage qui les fait être, et ce jusqu’à la mort, personnelle et collective. Il y a un « non » dans cette radicalité, mais un « non » au langage. On peut appeler nihiliste ce rapport au langage dans la mesure où il est, au sens strict, un désaveu du langage. Et c’est là que réside, si l’on peut dire, la racine de la radicalité.

Hélène L’HEUILLET, Tu haïras ton prochain comme toi même, Albin Michel, Paris, 2017, p. 99

O.

Opportunity costs of reporting by Felson, Messner, Hoskin, Deane

Finally, victims may avoid going to the police because of the opportunity costs.

Au total, les victimes peuvent préférer éviter d’appeler la Police à cause de coûts d’opportunité.

Richard B. Felson, Steven F. Messner, Anthony W. Hoskin, Glenn Deane, “Reasons for reporting and not reporting domestic violence to the police” in Criminology Volume 40 Number 3, 2002, p. 621


The reason of “self-protection,” which we create by combining the categories for “protection from future attack” and “to stop the incident,” is the most common one for calling the police (19.9% + 16.7% = 36.6%). Perceptions that the incidents are private or trivial matters are the most frequent reasons for not calling the police (disregarding the residual “other” category).

Les motivations d’ “auto-protection”, que nous avons créé en combinant les catégories “protection d’une nouvelle attaque dans l’avenir” et “pour arrêter l’incident”, sont les plus communément évoquées pour justifier l’appel de la police (19,9% + 16,7% = 36,6%). La perception qu’il s’agit là d’un incident privé, ou d’un incident sans importance sont les motivations les plus souvent évoquées pour justifier de ne pas appeler la police (sans tenir compte de la catégorie résiduelle “autre”).

Richard B. Felson, Steven F. Messner, Anthony W. Hoskin, Glenn Deane, “Reasons for reporting and not reporting domestic violence to the police” in Criminology Volume 40 Number 3, 2002, p. 630


Our results suggest that three factors inhibit victims from calling the police on partners and family members (versus strangers): the desire for privacy, the desire to protect the offender, and, for partners, the fear of reprisal. Privacy is by far the most important factor inhibiting reporting an incident. Three factors encourage victims to call the police on partners and family members: the desire for self-protection, the perception of these events as more serious, and the perception that the police will view these events as more serious.

Nos résultats suggèrent que trois facteurs empêchent les victimes de faire appel à la police pour intervenir contre des partenaires et des membres de la famille (par rapport aux cas où le bourreau est étranger): le désir de préserver la confidentialité, le désir de protéger le délinquant et, pour lorsqu’il s’agit d’un partenaire, la peur des représailles. La confidentialité est de loin le facteur le plus important dans l’empêchement du signalement d’un incident. Trois facteurs encouragent les victimes à appeler la police pour intervenir contre leurs partenaires et des membres de leur famille : le désir de se protéger, la perception de ces événements comme étant d’une gravité plus élevée et la conviction que la police considérera ces événements comme plus graves.

Richard B. Felson, Steven F. Messner, Anthony W. Hoskin, Glenn Deane., “Reasons for reporting and not reporting domestic violence to the police” in Criminology Volume 40 Number 3, 2002, p. 640

N.

Not in contrast with the myth of the family by Adelina Miranda

In Italy, the media have a fundamental role showing femicide news. Unlike France, killings of women have a very large press coverage, and TV news daily update the number of women killed by men. The media produce and distribute numbers of images and narratives, and develop a collective representation of femicide which is articulated on two criteria. On the one hand, they always evoke crime as an exceptional event; on the other hand, they are very astonished by the fact that the violence takes place within the family environment. Indeed, the speeches produced by the press and the television evacuate all political and social implication, they put forward a face and an individual history while using an interpretative semantics which is based on a reductive vision of the phenomenon. The stories are told in the singular using a recurring statement: a man, more or less in love (even if sometimes he has a relationship with another woman) kills his wife or his companion because it considered leaving him or had already quits. The produced picture is the one of a man who is struck in his love, and sometimes, may be presented as a fragile human being. Because of its exceptional nature, the killing act does not appear to be in contrast with the myth of the family, as a place of love, mutual aid, support, personal fulfillment.

En Italie, les médias ont un rôle fondamental dans la mise en scène des informations sur les féminicides. Différemment de la France, les assassinats perpétrés contre les femmes ont une très grande visibilité dans la presse et les journaux télévisés mettent à jour quotidiennement la liste du nombre de femmes tuées par les hommes. Les médias produisent et distribuent des répertoires d’images et de narrations, et ils élaborent une représentation collective du féminicide articulée autour de deux critères. D’un côté, ils évoquent toujours le crime comme un événement exceptionnel ; d’un autre côté, ils font part d’un grand étonnement dérivé du fait que la violence ait lieu au sein du milieu familial. En effet, les discours produits par la presse et la télévision évacuent toute implication politique et sociale, ils mettent en avant un visage et une histoire individuelle tout en utilisant une sémantique interprétative qui se base sur une vision réductrice du phénomène. Les histoires sont racontées au singulier utilisant un énoncé récurant : un homme, plus ou moins amoureux (même si parfois il entretient une relation avec une autre femme) tue son épouse ou sa compagne car celle-ci envisageait de le quitter ou l’avait déjà quitté. L’image restituée est celle d’un homme qui est frappé dans son amour et parfois présenté comme un être fragile. De par son caractère exceptionnel, l’acte meurtrier n’apparaît donc pas comme étant en contraste avec le mythe de la famille comme lieu de l’amour, d’entraide, de soutien, d’épanouissement personnel.

Adelina Miranda, « Le féminicide : un « mot écran » ? » in On tue une femme, Paris, Hermann, 2019, p.101

F.

Femicide and patriarchal order by Juan Manuel Iranzo

Feminicide: the killing of a woman because some man or men, although occasionally also some women who accept men’s values, has or have sentenced her to death adducing whatever reasons, motives or causes, but nonetheless actually and ultimately because he or they believe she has defied (the words they often use are ‘offended’ or ‘insulted’) patriarchal order (in their words ‘honourable’ societies) beyond what her judge (often but not always the same person who kills her) is prepared to tolerate without retaliating in that way.

Féminicide : meurtre d’une femme par un ou plusieurs hommes, ou par certaines femmes qui souscrivent aux valeurs des hommes, qui la condamne/ent à mort quelles qu’en soient les raisons, les motifs ou les causes invoquées, mais fondamentalement parce qu’il (ou ils ou elle ou elles) croi(ent) qu’elle a défié (ou bien «offensé» ou «injurié») l’ordre patriarcal (ou encore l’«honneur» d’une société) au-delà de ce que son juge (et tueur souvent, mais il ne s’agit pas toujours du tueur) est prêt à tolérer sans représailles d’aucune sorte.

Juan Manuel Iranzo, ‘Reflections on femicide and violence against women’ (2015) in Working paper on femicide (unpublished), GESES, Universidad de Zaragoza