Such is the crime of the Papin sisters, by the emotion it arouses and which exceeds its horror, by its value as an atrocious image, but symbolic down to its most hideous details: the most worn metaphors of hatred: “I would tear out her eyes” receive their literal execution. The popular conscience reveals the meaning it gives to this hatred by applying the maximum penalty here, as the ancient law did to the crime of slavery. Perhaps, as we shall see, it is mistaken about the real meaning of the act. But for the benefit of those who are frightened by the psychological path on which we are embarking in the study of responsibility, let us observe that the adage “to understand is to forgive” is submitted to the limits of each human community and that, outside these limits, to understand (or to believe we understand) is to condemn. The intellectual content of delirium appears to us, as we have said, as a superstructure that both justifies and negates the criminal impulse. We therefore conceive it as submitted to the variations of this drive, to the fall which results, for example, from its satisfaction in the princeps case of the particular type of paranoia we have described (the Aimée case), the delusion vanishes with the realisation of the aims of the act. We should not be surprised that this was also the case during the first months following the sisters’ crime. The correlative defects of the classic descriptions and explanations have for a long time led to a disregard for the existence, however crucial, of such variations, by affirming the stability of paranoid delusions, whereas there is only constancy of structure. This conception leads the experts to erroneous conclusions, and explains their embarrassment in the presence of numerous paranoid crimes, where their feeling of reality emerges in spite of their doctrines, but only engenders uncertainty in them.
Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99
Tel est ce crime des sœurs Papin, par l’émotion qu’il soulève et qui dépasse son horreur, par sa valeur d’image atroce, mais symbolique jusqu’en ses plus hideux détails: les métaphores les plus usées de la haine : « Je lui arracherais les yeux » reçoivent leur exécution littérale. La conscience populaire révèle le sens qu’elle donne à cette haine en appliquant ici le maximum de la peine, comme la loi antique au crime des esclaves. Peut-être, nous le verrons, se trompe-t-elle ainsi sur le sens réel de l’acte. Mais observons, à l’usage de ceux qu’effraie la voie psychologique où nous engageons l’étude de la responsabilité, que l’adage « comprendre, c’est pardonner » est soumis aux limites de chaque communauté humaine et que, hors de ces limites, comprendre (ou croire comprendre), c’est condamner. Le contenu intellectuel du délire nous apparaît, nous l’avons dit, comme une superstructure à la fois justificative et négatrice de la pulsion criminelle. Nous le concevons donc comme soumis aux variations de cette pulsion, à la chute qui résulte par exemple de son assouvissement dans le cas princeps du type particulier de paranoïa que nous avons décrit (le cas Aimée), le délire s’évanouit avec la réalisation des buts de l’acte. Nous ne nous étonnerons pas qu’il en ait été de même pendant les premiers mois qui ont suivi le crime des sœurs. Les défauts corrélatifs des descriptions et des explications classiques, ont longtemps fait méconnaître l’existence, pourtant capitale, de telles variations, en affirmant la stabilité des délires paranoïaques, alors qu’il n’y a que constance de structure cette conception conduit les experts à des conclusions erronées, et explique leur embarras en présence de nombreux crimes paranoïaques, où leur sentiment de la réalité se fait jour malgré leurs doctrines, mais n’engendre chez eux que l’incertitude.
Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99
Jacques Lacan, “Motif du crime paranoïaque : le crime des sœurs Papin” in Premiers écrits (1933), Le Seuil, Paris, 2023, pp. 98-99