Compared to the Christian or Marxist centuries, Antiquity often has a Voltairean air. Two soothsayers cannot meet without smirking at each other, writes Cicero. I feel I am becoming a god, said a dying emperor.
Paul Veyne, Did the Greeks Believe in Their Myths?: An Essay on the Constitutive Imagination, Chicago, University of Chicago Press, 1988, pp. 83_84
This poses a general problem. Like the Dorzé, who imagine both that the leopard fasts and that one must be on guard against him everyday, the Greeks believe and do not believe in their myths. They believe in them, but they use them and cease believing at the point where their interest in believing ends. It should he added in their defense that their bad faith resided in their belief rather than in their ulterior motives. Myth was nothing more than a superstition of the half-literate, which the learned culled into question. The coexistence of contradictory truths in the same mind is nonetheless a universal fact. Lévi-Strauss’s sorcerer believes in his magic and cynically manipulates it. According to Bergson, the magician resorts to magic only when no sure technical recipes exist. The Greeks question the Pythia and know that sometimes this prophetess makes propaganda for Persia or Macedonia; the Romans fix their state religion for political purposes by throwing sacred fowl into the water if these do not furnish the necessary predictions: and all peoples give their oracles – or their statistical data – a nudge to confirm what they wish to believe. Heaven helps those who help themselves; Paradise, but the later the better. How could one not be tempted to speak of ideology here?
Comparée aux siècles chrétiens ou marxistes, l’Antiquité a souvent un air voltairien; deux augures ne peuvent se rencontrer sans sourire l’un de l’autre, écrit Cicéron; je sens que je deviens un dieu, disait un empereur agonisant.
Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 94
Ce qui pose un problème général. Tels les Dorzé qui estiment à la fois que le léopard jeûne et qu’il faut se garder de lui tous les jours, les Grecs croient et ne croient pas à leurs mythes; ils croient, mais ils s’en servent et ils cessent d’y croire là où ils n’y ont plus intérêt ; il faut ajouter, à leur décharge, que leur mauvaise foi résidait plutôt dans la croyance que dans l’utilisation intéres- sée: le mythe n’était plus qu’une superstition de demi-lettrés, que les doctes révoquaient en doute. La coexistence en une même tête de vérités contradictoires n’en est pas moins un fait universel. Le sorcier de Lévi-Strauss croit à sa magie et la manipule cynique- ment, le magicien selon Bergson ne recourt à la magie que là où il n’existe pas de recettes techniques assurées, les Grecs interrogent la Pythie et savent qu’il arrive à cette prophétesse de faire de la propagande pour la Perse ou la Macédoine, les Romains truquent leur religion d’Etat à des fins politiques, jettent à l’eau les poulets sacrés s’ils ne prédisent pas ce qu’il faudrait, et tous les peuples donnent un coup de pouce à leurs oracles ou à leurs indices statis- tiques pour se faire confirmer ce qu’ils désirent croire. Aide-toi, le ciel t’aidera; le Paradis, mais le plus tard possible. Comment ne serait-on pas tenté de parler ici d’idéologie?
Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 94