Since interests and truths do not arise from “reality” or a powerful infrastructure but are jointly limited by the programs of chance, it would be giving them too much credit to think that the eventual contradiction between them is disturbing. Contradictory truths do not reside in the same mind – only different programs, each of which encloses different truths and interests, even if these truths have the same name. I know a doctor who is a passionate homeopath but who nonetheless has the wisdom to prescribe antibiotics in serious cases; he reserves homeopathy for mild or hopeless situations. His good faith is whole, I attest to it. On the one hand, he wants to take pleasure in unorthodox medicines, and, on the other, he is of the opinion that the interest of both doctor and patient is that the patient recovers. These two programs neither contradict each other nor have anything in common, and the apparent contradiction emerges only by taking the corresponding truths literally, which demand that one be a homeopath or not. But truths are not sprinkled like stars on the celestial sphere; they are the point of light that appears at the end of the telescope of a program, and so two different truths obviously correspond to two different programs, even if they go by the same name.
Paul Veyne, Did the Greeks Believe in Their Myths? : An Essay on the Constitutive Imagination,
Chicago, University of Chicago Press, 1988, pp. 86
Puisque intérêts et vérités ne proviennent pas de « la» réalité ni d’une puissante infrastructure, mais sont bornés conjointement par des programmes de hasard, ce serait leur faire trop d’honneur que de penser que leur éventuelle contradiction est troublante: il n’y a pas de vérités contradictoires en un même cerveau, mais seulement des programmes différents, qui enserrent chacun des vérités et des intérêts différents, même si ces vérités portent le même nom. Je connais un médecin qui, homéopathe avec passion, a pourtant la sagesse de prescrire des antibiotiques lorsque la maladie est grave : il réserve l’homéopathie aux cas anodins ou désespérés; sa bonne foi est entière, je le garantis: il a envie de s’enchanter de médecines non conformistes, d’une part, et, de l’au- tre, il estime que l’intérêt du médecin et celui du malade sont que le malade guérisse; ces deux programmes n’ont rien de contradictoire ni même de commun et la contradiction apparente n’est que dans la lettre des vérités correspondantes, qui veut qu’on soit homéopathe ou qu’on ne le soit pas. Mais les vérités ne sont pas inscrites comme des étoiles sur la sphère céleste: elles sont le petit rond de lumière qui apparaît au bout de la lunette d’un program- me, si bien qu’à deux programmes différents correspondent évidemment deux vérités différentes, même si leur nom est le même.
Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 96
Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 96