It cannot be disputed that analysts in their own personalities have not invariably come up to the standard of psychical normality to which they wish to educate their patients. Opponents of analysis often point to this fact with scorn and use it as an argument to show the uselessness of analytic exertions. We might reject this criticism as making unjustifiable demands. Analysts are people who have learned to practise a particular art; alongside of this, they may be allowed to be human beings like anyone else. After all, nobody maintains that a physician is incapable of treating internal diseases if his own internal organs are not sound; on the contrary, it may be argued that there are certain advantages in a man who is himself threatened with tuberculosis specializing in the treatment of persons suf fering from that disease. But the cases are not on all fours. So long as he is capable of practising at all, a doctor suffering from disease of the lungs or heart is not handicapped either in diagnosing or treating internal complaints; whereas the special conditions of analytic work do actually cause the analyst’s own defects to interfere with his making a correct assessment of the state of things in his patient and reacting to them in a useful way. It is therefore reasonable to expect of an analyst, as a part of his qualifications, a considerable degree of mental normality and correctness. In addition, he must possess some kind of superiority, so that in certain analytic situations he can act as a model for his patient and in others as a teacher. And finally we must not forget that the analytic relationship is based on a love of truth – that is, on a recognition of reality – and that it precludes any kind of sham or deceit.
Sigmund Freud, “Analysis Terminable and Interminable” (1937), Standard Edition Vol XXIII, Trans. James Strachey, The Hogarth Press, London, 1964, pp. 247-248
Il est incontestable que les analystes n’ont pas complètement atteint, dans leur personnalité, le degré de normalité psychique auquel ils veulent éduquer leurs patients. Des adversaires de l’analyse ont coutume de relever cet état de fait en ricanant et d’en tirer argument pour conclure à l’inutilité des efforts analytiques. On pourrait rejeter cette critique comme une exigence injustifiée. Les analystes sont des personnes qui ont appris à exercer un art défini et ont par ailleurs le droit d’être des hommes tout comme d’autres. On n’a pourtant pas coutume d’affirmer que quelqu’un n’est pas bon à faire un médecin des maladies internes si ses organes internes ne sont pas sains; on peut au contraire trouver certains avantages à ce que quelqu’un, menacé lui-même de tuberculose, se spécialise dans le traitement des tuberculeux. Mais les cas ne se recouvrent pas. Le médecin malade des poumons ou du cœur, dans toute la mesure où il est resté apte à remplir sa fonction, n’est handicapé par son état de malade ni dans le diagnostique ni dans la thérapie des maux internes, alors que l’analyste, par suite des conditions particulières du travail analytique, est vraiment perturbé par ses propres déficiences quand il s’agit d’appréhender exactement la situation du patient et d’y réagir de manière appropriée. C’est donc à bon escient qu’on exigera de l’analyste, comme étant une part de ce qui atteste sa qualification, un assez haut degré de normalité et de rectitude animiques; à cela s’ajoute qu’il a, en outre, besoin d’une certaine supériorité pour agir sur le patient comme modèle dans certaines situations analytiques, comme maître dans d’autres. Et, enfin, il ne faut pas oublier que la relation analytique est fondée sur l’amour de la vérité, c-a-d. sur la reconnaissance de la réalité, et qu’elle exclut tout semblant et tout leurre.
Sigmund Freud, L’analyse finie et l’analyse infinie (1937), PUF, Paris, 2021, pp. 37-38
Sigmund Freud, L’analyse finie et l’analyse infinie (1937), PUF, Paris, 2021, pp. 37-38