In a passage in Das Heilige, Rudolf Otto analyzes the fear of ghosts. To be exact, if we thought about ghosts with the same mind that makes us think about physical facts, we would not be afraid of them, or at least not in the same way. We would be afraid as we would be of a revolver or of a vicious dog, while the fear of ghosts is the fear of the intrusion of a different world. For my part, I hold ghosts to be simple fictions but perceive their truth nonetheless. I am almost neurotically afraid of them, and the months I spent sorting through the papers of a dead friend were an extended nightmare. At the very moment I type these pages I feel the hairs stand up on the back of my neck. Nothing would reassure me more than to learn that ghosts “really” exist. Then they would be a phenomenon like any other, which could be studied with the right instruments, a camera or a Geiger counter. This is why science fiction, far from frightening me, delightfully reassures me.
Paul Veyne, Did the Greeks Believe in Their Myths? :
An Essay on the Constitutive Imagination,
Chicago, University of Chicago Press, 1988, pp. 88
Dans Das Heilige, Rudolf Otto analyse au passage la peur des fantômes. Pré- cisément: si nous pensions les fantômes avec le même esprit qui nous fait penser les faits physiques, nous n’en aurions pas peur, ou du moins pas de la même manière; nous en aurions peur comme d’un revolver ou d’un chien méchant, alors que la peur des fantomes est peur devant l’intrusion d’un monde autre. Pour ma part, je répute les fantômes pour de simples fictions, mais je n’en éprouve pas moins leur vérité : j’ai d’eux une peur presque névrotique et les mois que j’ai passés à trier les papiers d’un ami mort furent un long cauchemar; au moment même où je dactylographie les présentes phrases, une aigrette de terreur commence à s’élever sur ma nuque. Rien ne me rassurerait davantage que d’apprendre que les fantômes existent « réellement »: ils seraient alors un phénoméne comme les autres, qu’on étudierait avec les instruments adéquats, caméra ou compteur Geiger. C’est pourquoi la science-fiction, loin de me faire peur, me rassure délicieusement.
Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ? 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 98
Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?, 1983, Editions du Seuil, Points Essai, p. 98