We know there is in the human mass a strong need for an authority we can admire, before which one bows, by which one we’re dominated, and even possibly mistreated. The psychology of the individual has taught us where this need of the mass comes from. It is the nostalgia of the father, who has lived in everyone since childhood, of the same father that the hero of the legend prides himself on having surpassed. And so we can glimpse that all the traits we speak of the great man are paternal traits, that it is in this concordance that the essence of the great man that we were searching for in vain consists. The resolution of thought, the strength of will, the energy of actions belong to the paternal image, but above all the autonomy and independence of the great man, his divine recklessness, which can rise to the level of unscrupulousness.
Nous savons qu’il existe dans la masse humaine le fort besoin d’une autorité que l’on puisse admirer, devant laquelle on s’incline, par laquelle on est dominé, et même éventuellement maltraité. La psychologie de l’individu nous a appris d’où vient ce besoin de la masse. C’est la nostalgie du père, qui habite en chacun depuis son enfance, de ce même père que le héros de la légende s’enorgueillit d’avoir dépassé. Et dès lors nous pouvons entrevoir que tous les traits dont nous parons le grand homme sont des traits paternels, que c’est dans cette concordance que consiste l’essence du grand homme que nous cherchions en vain. La résolution de la pensée, la force de la volonté, l’énergie des actions appartiennent à l’image paternelle, mais avant tout l’autonomie et l’indépendance du grand homme, sa divine insouciance, qui peut se hausser jusqu’à l’absence de scrupule.
Sigmund Freud, L’homme Moïse et la religion monothéiste, “Moïse, son peuple et la religion monothéiste” (1938), Folio Essais, Paris, 1993, p. 207