I.

Insult expel from an imaginary universal by Laurie Laufer

Freud’s father, insulted, pinned down, identified by a term belonging to a dominant discourse, which is the mark of an established power, is summoned to get off the pavement, from the common public space. His place is in the mud, just like the fur hat he wears on prayer Saturday. The gesture and the insult expel Freud’s father from an imaginary universal, exposed by the discourse of a ruling power, and simultaneously create a minority category. By minority I mean a category of people to whom a dominant discourse confiscates speech and the use of their own bodies. The violence of the insult constrains to silence, throws the insulted out of their history, out of language itself, out of the humanity magnified in the imagination of a universalist ideal. “Being wounded by a discourse,” writes Judith Butler, “is suffering from an absence of context, it is not knowing where one stands”*.

Le père de Freud insulté, épinglé, identifié par un terme appartenant à un discours dominant, qui est la marque d’un pouvoir en place, est sommé de descendre du trottoir, de l’espace public commun. Sa place est dans la boue, à l’instar de ce bonnet de fourrure qu’il porte le samedi de prière. Le geste et l’insulte expulsent le père de Freud d’un universel imaginaire, exposé par le discours d’un pouvoir en place, et créent simultanément une catégorie minoritaire. J’entends ici par minorité une catégorie de personnes à qui un discours dominant confisque parole et usage de leur propre corps. La violence de l’insulte contraint au silence, jette l’insulté hors de son histoire, hors du langage même, hors de l’humanité magnifiée dans l’imaginaire d’un idéal universaliste. “Etre blessé par un discours, écrit Judith Butler, c’est souffrir d’une absence de contexte, c’est ne pas savoir où l’on est.”*

Laurie Laufer, Vers une psychanalyse émancipée – Renouer avec la subversion, La Découverte, Paris, 2022, p. 141

Quoting *Judith Butler, Le Pouvoir des mots, Politique du performatif (1997), Editions Amsterdam, Paris, 2004, p. 24

F.

Father’s unheroic conduct by Sigmund Freud

At that point I was brought up against the event in my youth whose power was still being shown in all these emotions and dreams. I may have been ten or twelve years old, when my father began to take me with him on his walks and reveal to me in his talk his views upon things in the world we live in. Thus it was, on one such occasion, that he told me a story to show me how much better things were now than they had been in his days. ‘When I was a young man,’ he said, ‘I went for a walk one Saturday in the streets of your birthplace; I was well dressed, and had a new fur cap on my head. A Christian came up to me and with a single blow knocked off my cap into the mud and shouted: “Jew! get off the pavement!”’ ‘And what did you do?’ I asked. ‘I went into the roadway and picked up my cap,’ was his quiet reply. This struck me as unheroic conduct on the part of the big, strong man who was holding the little boy by the hand. I contrasted this situation with another which fitted my feelings better: the scene in which Hannibal’s father, Hamilcar Barca*, made his boy swear before the household altar to take vengeance on the Romans. Ever since that time Hannibal had had a place in my phantasies.

Sigmund FreudThe Interpretation Of Dreams (1900), Trad. STRACHEY J. (1955), Basic Books, New York, 2010, p. 218 – 219

Me voici enfin arrivée à l’expérience vécue de ma jeunesse qui aujourd’hui encore manifeste sa puissance dans toutes ces sensations et tous ces rêves. Je devais avoir dans les dix ou douze ans lorsque mon père commença à m’emmener avec lui dans ses promenades et à me confier, pendant nos conversations, ses vues sur les choses de ce monde. C’est ainsi qu’un jour il me fit le récit suivant, pour me montrer combien l’époque où j’étais arrivé au monde était meilleure que la sienne : “Étant encore un homme jeune, j’étais allé me promener dans la rue, le samedi, dans ta ville natale, avec mes beaux habits, un bonnet de fourrure tout neuf sur la tête. Un chrétien survient, envoie voler d’un coup mon bonnet dans la boue en criant : ‘Juif, descends du trottoir !’” “Et qu’as-tu fait ?” “Je suis passé sur la chaussée et j’ai ramassé le bonnet, telle fut sa placide réponse. Cela ne me parut pas héroïque, de la part de l’homme grand et fort qui menait par la main le petit bonhomme que j’étais. À cette situation qui ne me satisfaisait pas, j’en opposais une autre qui correspondait mieux à ma façon de sentir, la scène dans laquelle le père d’Hannibal, Hamilcar Barca*, fait jurer à son petit garçon, devant l’autel domestique, qu’il prendra vengeance des Romains. Depuis lors, Hannibal eu sa place dans mes fantaisies.

Sigmund FreudL’interprétation du rêve (1900), Trad. Coll., PUF, Paris, 2010, p. 234 – 235

*[Footnote added 1909:] In the first edition the name of Hasdrubal appeared instead : a puzzling mistake, which I have explained in my Psychopathology of Everyday Life (1901b), Chapter X (2).

*[Note ajoutée en 19091 Dans la première édition figurait ici le nom: Hasdrubal, erreur déconcertante dont j’ai apporté l’élucidation dans ma «Psychopathologie de la vie quotidienne » [Zur Pychopathologie des Alltagslebens, GW, IV, p. 243 et 245; OCF.P, V. L’erreur, “Hasdrubal au lieu d’Hamilcar, le nom du frère à la place de celui du père”, échappa à Freud « lors de trois corrections d’épreuves”.]

Sigmund FreudL’interprétation du rêve (1900), Trad. Coll., PUF, Paris, 2010, p. 234 – 235

The Interpretation Of Dreams 

A.

Androgynous as a term of insult by Plato

In the first place you have to understand the nature of our human anatomy and what it has undergone. Once upon a time our anatomy was quite different from what it is now. In the first place there were not merely two sexes as there are now, male and female, but three, and the third was a combination of the other two. This sex itself has disappeared but its name, androgynous, survives. At that time the androgynous sex was distinct in form and name, having physical features from both the male and the female, but only the name now exists, and that as a term of insult.

Plato, The Symposium, Trans. M.C. Howatson, Cambridge Univeristy Press, 2008, p.22

Mais, d’abord, il vous faut apprendre ce qu’était la nature de l’être humain et ce qui lui est arrivé. Au temps jadis, notre nature n’était pas la même qu’aujourd’hui, mais elle était d’un genre différent. Oui, et premièrement, il y avait trois catégories d’êtres humains et non pas deux comme maintenant, à savoir le mâle et la femelle. Mais il en existait encore une troisième qui participait des deux autres, dont le nom subsiste aujourd’hui, mais qui, elle, a disparu. En ce temps-là en effet il y avait l’androgyne, un genre distinct qui, pour le nom comme pour la forme, faisait la synthèse des deux autres, le mâle et la femelle. Aujourd’hui, cette catégorie n’existe plus, et il n’en reste qu’un nom tenu pour infamant

Platon, Le Banquet (385 – 370 av. J.C.), Trad. Luc Brisson, GF Flammarion, Paris, 2016, p.114-115