Let us imagine what might have happened to a book, at a time when books were not printed in editions but were written out individually. We will suppose that a book of this kind contained statements which in later times were regarded as undesirable-as, for instance, according to Robert Eisler (1929), the writings of Flavius Josephus must have contained passages about Jesus Christ which were offensive to later Christendom. At the present day, the only defensive mechanism to which the official censorship could resort would be to confiscate and destroy every copy of the whole edition. At that time, however, various methods were used for making the book innocuous. One way would be for the offending passages to be thickly crossed through so that they were illegible. In that case they could not be transcribed, and the next copyist of the book would produce a text which was unexceptionable but which had gaps in certain passages, and so might be un intelligible in them. Another way, however, if the authorities were not satisfied with this, but wanted also to conceal any indication that the text had been mutilated, would be for them to proceed to distort the text. Single words would be left out or replaced by others, and new sentences interpolated. Best of all, the whole passage would be erased and a new one which said exactly the opposite put in its place. The next transcriber could then produce a text that aroused no suspicion but which was falsified. It no longer contained what the author wanted to say; and it is highly probable that the corrections had not been made in the direction of truth.
Sigmund Freud, “Analysis Terminable and Interminable” (1937), Standard Edition Vol XXIII, Trans. James Strachey, The Hogarth Press, London, 1964, p. 236
Que l’on pense donc aux destins possibles d’un livre à l’époque où les livres ne faisaient pas encore l’objet d’éditions imprimées, mais étaient écrits un par un. Supposons qu’un tel livre contienne des données qui seront considérées comme non souhaitables en des temps ultérieurs. Comme, par exemple, selon Robert Eisler*, les écrits de Flavius Joseph** doivent avoir contenu des passages sur Jésus-Christ dont la chrétienté ultérieure se scandalisa. La censure officielle n’appliquerait pas, de nos jours, d’autre mécanisme de défense que la confiscation et la destruction de chaque exemplaire de toute l’édition. À l’époque, on appliquait différentes méthodes pour rendre le texte inoffensif. Tantôt l’on barrait d’un trait épais les passages scandaleux de sorte qu’ils étaient illisibles, aussi ne pouvaient ils dès lors être recopiés, et le copiste suivant du livre fournissait un texte irréprochable, mais lacunaire en certains passages, et peut-être là incompréhensible. Tantôt on ne se contentait pas de cela, on voulait aussi éviter ce qui signifiait une mutilation du texte; on en venait alors à déformer le texte. On omettait telles ou telles paroles ou on les remplaçait par d’autres, on insérait de nouvelles phrases; dans le meilleur des cas on faisait sauter tout le passage et on lui en substituait un autre qui disait exactement le contraire. Le premier à recopier ensuite le livre pouvait alors établir un texte non suspect, qui était néanmoins falsifié ; il ne conte nait plus ce que l’auteur avait voulu communiquer et, très vraisemblable ment, il n’avait pas été corrigé dans un souci de vérité.
Sigmund Freud, L’analyse finie et l’analyse infinie (1937), PUF, Paris, 2021, pp. 25-26
Sigmund Freud, L’analyse finie et l’analyse infinie (1937), PUF, Paris, 2021, pp. 25-26
* Robert Eisler (1882-1949) : Jesus Basileus. Religionswissenschaftliche Bibliothek, fondée par W. Streitberg, t. 9, Heidelberg, chez Karl Winter, 1929
** Flavius Joseph, Historien juif (37 ou 38 – v. 100), auteur des Antiquitates Judaicae